C'est un honneur et un grand plaisir pour moi d'écrire ces quelques lignes en introduction au très remarquable site Bibliographie d'Ornithologie française que notre collègue Yves Muller vient de mettre à la disposition des communautés scientifiques naturalistes nationale et internationale
La qualité de vie, l'environnement, la biodiversité, le réchauffement climatique, le développement durable, le manger «Bio» sont maintenant partout. Ces termes réservés à quelques-uns jusqu'à une date récente, sont aujourd'hui au cœur des préoccupations d'une très grande majorité d'entre nous. Inquiets pour l'avenir qui nous est semble-t-il promis et empreints du souci à préserver le cadre humain, de travailler, s'il est encore possible, à le restaurer pour les générations futures, notre voie semble bien tracée.
Parmi toutes ces préoccupations très actuelles, l'une est pour nous, naturalistes, de réaliser d'une façon urgente, un état des lieux général argumenté. Souvent initié par un plaisir purement esthétique, nous avons l'absolu besoin de nous appuyer sur des travaux rigoureux indiscutables.
Dirigés, analysés, développés, ils seront souvent, mais pas toujours, publiés sous la houlette de scientifiques professionnels qui travaillent au sein de laboratoires, d'instituts de recherche. Mais ceux-là savent pertinemment qu'ils ont nécessairement besoin d'avoir recours aux observations, aux prospections, aux expériences de ceux que l'on appelle très souvent dans une attitude condescendante, les «amateurs», «ceux qui aiment».
Est-il besoin de rappeler alors, l'importance de tout ce qui est et également a été rassemblé, classifié, synthétisé, transmis par nos prédécesseurs, préoccupés par des questionnements qui perdurent encore aujourd'hui.
Pierre à pierre, ils ont construit les bases d'un solide édifice et si nos nouvelles connaissances sont et seront engrangées dans d'immenses bases de données, si nos méthodes ont évolué, se sont affinées, diversifiées, tout cet acquis aujourd'hui comme hier doit être impérativement pris en compte.
Alors que le vivant est scruté jusque dans ses structures les plus intimes, le passé est là et nous ne devons pas en faire fi.
Yves Muller, à juste titre, a jugé bon d'inscrire en préface de son site, une citation du Baron Picot de Lapérouse, ornithologue, créateur du Muséum d'Histoire Naturelle et Maire de Toulouse qui en 1814 annonçait déjà : «Le premier devoir de celui qui veut écrire… est de connaître à fond les travaux des savants qui l'ont précédé».
Je voudrais ajouter ici deux autres citations qui me viennent à l'esprit :
- celle qui avait été mise en exergue lors d'une très belle exposition consacrée à un extraordinaire explorateur du XVIIIè siècle, il y a quelques années, au Musée de la Marine à Paris : «Toute étude qui puise dans le passé est racine de la modernité»
- une autre encore, celle du Père-abbé de la communauté de l'abbaye de Landévennec, interrogé en Bretagne, qui affirmait avec force à son tour : «L'avenir ne s'invente pas sans la connaissance des assises sur lesquelles il repose et il se nourrit».
Toutes ces citations vont dans le même sens et à l'heure d'Internet, d'une désaffection constatée dans la fréquentation des bibliothèques spécialisées, quitte à passer pour ringard, nous ne pouvons pas accepter que les recherches bibliographiques débutent dans les années 1970 ou bien plus tardivement encore (en 1992, date des premières grandes numérisations me soufflait-on récemment) !
De grâce, respectons le travail réalisé par nos anciens, ne rejetons pas en bloc certains de leurs comportements sans doute inconscients et aujourd'hui qualifiés trop facilement de destructeurs, ne rejetons pas les matériels et méthodes qu'ils ont utilisés, seuls disponibles à leur époque, les résultats peut-être partiels qu'ils ont obtenus. Appuyons-nous sur leurs travaux et profitons pleinement de l'outil informatique mis aujourd'hui à notre disposition.
Succédant à l'énorme compilation manuelle de René Ronsil pour la période 1473-1944, Yves Muller a publié à son tour trois ouvrages bibliographiques imprimés classiques, fruits d'un travail titanesque rassemblant l'ensemble des parutions ornithologiques françaises lors des années 1945 à 1990. Mais Yves n'a pas voulu en rester là et, suivant un slogan bien connu, Yves y a pensé et Yves l'a fait.
Qui aurait pu imaginer que travaillant avec acharnement dans l'ombre, il allait dans la foulée, quelques années à peine après, rassembler l'ensemble dans une remarquable version informatique qui honore la science naturaliste et plus spécialement ornithologique de notre pays. Ce fut véritablement une énorme surprise.
Je pense ne pas me tromper, mais hormis le célèbre «Zoological Record» qui s'est lancé dans cette voie, je crois pouvoir affirmer qu'une telle entreprise nationale, œuvre, qui plus est, d'un seul auteur, n'a vu jusqu'ici le jour ailleurs de par le monde dans aucune spécialité de l'Histoire naturelle. Oui, nous avons tout lieu d'être fiers de pouvoir avoir dès aujourd'hui, à notre disposition, un tel outil de travail et nos remerciements à Yves seront bien mièvres, eu égard à cette nouvelle tâche colossale que notre collègue vient d'accomplir.
Administrateur de la Société d'Etudes Ornithologiques de France que j'ai actuellement l'honneur de présider, Yves a tenu à citer notre association en première ligne comme partenaire aux côtés d'organismes prestigieux. Je ne saurais trop lui témoigner mon infinie reconnaissance à cet égard et je voudrais aussi lui faire part affectueusement, que ne m'a pas échappé qu'il y avait là aussi, un clin d'œil de sa part à cette amitié qui nous lie depuis si longtemps.
Grand merci, Yves, pour ta puissance de travail, ton abnégation en soutien non seulement aux ornithologues mais à tous les naturalistes qui vont trouver là une aide incommensurable à leurs travaux professionnels tout comme aux «amateurs» une justification irremplaçable dans leur passion.
Grand merci également bien entendu pour tout ce que tu apportes à la conservation de ces oiseaux que nous aimons tant. Ils le valent bien !
Plus une minute à perdre, faites vite usage de ce site prestigieux et convivial de surcroît. Je parie (sans le moindre risque !) que vous ne saurez plus vous en passer !
Pierre NICOLAU-GUILLAUMET